Elle me dit, un soir, en souriant :
– Ami, pourquoi contemplez-vous sans cesse
Le jour qui fuit, ou l’ombre qui s’abaisse,
Ou l’astre d’or qui monte à l’orient ?
Que font vos yeux là-haut ? je les réclame.
Quittez le ciel; regardez dans mon âme !
Dans ce ciel vaste, ombre où vous vous plaisez,
Où vos regards démesurés vont lire,
Qu’apprendrez-vous qui vaille mon sourire ?
Qu’apprendras-tu qui vaille nos baisers ?
Oh! de mon coeur lève les chastes voiles.
Si tu savais comme il est plein d’étoiles !
Que de soleils ! vois-tu, quand nous aimons,
Tout est en nous un radieux spectacle.
Le dévouement, rayonnant sur l’obstacle,
Vaut bien Vénus qui brille sur les monts.
Le vaste azur n’est rien, je te l’atteste ;
Le ciel que j’ai dans l’âme est plus céleste !
C’est beau de voir un astre s’allumer.
Le monde est plein de merveilleuses choses.
Douce est l’aurore et douces sont les roses.
Rien n’est si doux que le charme d’aimer !
La clarté vraie et la meilleure flamme,
C’est le rayon qui va de l’âme à l’âme !
Un soir que je regardais le ciel, extrait, de Victor Hugo (1802-1885)
Image : à Vineuil Saint Firmin, © Lily May