Une enfance avec Marc Chagall

“C’était plein à craquer, des maçons, des peintres en salopettes prenaient le pousse-café au comptoir où nous attendions que se libère une table. Le menu était affiché à la craie sur un des miroirs, ce jour-là c’était une blanquette de veau. Papa portait une veste en velours et un béret serré comme celui d’Auguste avec bien évidemment une chemise à carreaux. On ne dépareillait pas du tout dans le restaurant, où très vite, on avait trouvé à s’asseoir. Les deux ouvriers à la table à côté ont regardé les mains de Papa, tachées de couleurs diverses, ces mains dont il disait souvent qu’elles étaient imprégnées jusqu’à l’os. Il avait alors plus de soixante-dix ans, mais avec son allure énergique et l’impression de puissance qui émanait de lui, il pouvait très bien passer pour un peintre en bâtiment.

— Vous avez un chantier dans le coin ? demanda l’un d’eux.

— Je refais un plafond à l’Opéra, répondit mon père, attaquant son œuf dur mayonnaise.”

David McNeil, Quelques pas dans les pas d’un ange, Gallimard, 2003.

Le plafond de l’Opéra Garnier, par Marc Chagall.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *