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Il a vécu sa vie comme un opéra, en plusieurs actes, avec le goût pour la démesure et le rêve. Tel l’Oiseau de feu, sa flamboyance exerçait une fascination hypnotique chez nombre de personnes. Il était un tremblement de terre, à lui tout seul. Hommage à Thierry Mugler, homme libre et créateur de génie.

Sa disparition, le 23 janvier dernier, a été un choc presque irréel, à la fois pour ceux qui l’ont côtoyé, que pour celles et ceux qu’il a tout simplement fait rêver. Il suffit qu’un être nous quitte, pour qu’un flot de souvenirs et d’images remontent, comme les clichés d’une époque révolue, emplie de bonheur. Comme nombre de femmes, je me suis ainsi revue, jeune étudiante insouciante en 1992, en train de rire et danser avec les amies et de longs boas en plumes, sur un clip qu’il avait réalisé pour George Michael, et que vous pouvez redécouvrir ici, Too funky. Souvenir de jeunesse…!

Nous savions que jamais nous n’aurions les moyens d’acheter du Mugler, mais qu’importe. Les déesses sublimes qu’il faisait défiler avec joie, puissance et exubérance, à l’instar de Linda Evangelista, Carla Bruni ou Estelle Lefébure, nous laissaient imaginer l’infini des possibles… Que l’on pouvait s’affirmer, conquérir et jouir de la vie dans une douce folie, avec ou sans corset, orné de guidons de Harley !

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Linda Evangelista, en Thierry Mugler, 1992. Crédit Patrice Stable

L’homme n’aimait pas s’exprimer dans les médias, et se méfiait des écrits. Pas de place ici pour sa transformation physique ou sa vie privée. Simplement une humble pensée pour un créateur fantastique, qui a traversé trois décennies comme une boule de feu, répandant un choc infiniment bon et retentissant, partout sur Terre. Son plus beau testament, il est ici, à l’occasion de la présentation de son travail photographique à l’exposition Paris Photo, en 2019.

En rappelant l’histoire d’une prise de vue osée à la tour Chrysler, tout au sommet, Thierry Mugler lâche ces mots : “On risque sa vie pour la beauté. J’ai risqué ma vie. Mes images paraissent extrêmement sophistiquées, et très cadrées, quelquefois impossibles, mais elles sont complètement réelles. Il n’y a aucun montage. C’est un point de vue poétique sur la vie, les choses qui existent. L’idée c’est que dans la vie, si on sait observer, la beauté est partout. Il suffit de la regarder, de la voir, et d’être capable de la voir.”

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Tour Chrysler, New York, 1988. Claude Heidemeyer en “Vertigo” de Mugler
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Jerry Hall, à l’affiche pour la campagne inoubliable du parfum Angel,
par Thierry Mugler

Il a fait défiler les plus belles femmes dans des shows spectaculaires, à la mise en scène unique, incluant parfois des célébrités partageant le même amour de la vie que lui, à l’instar de James Brown, sur scène ici en 1995, pour les vingt ans de la maison, dans une ambiance électrique ! Les héroïnes qui marquent le créateur français dans sa jeunesse, et auxquelles il songe tout au long de sa vie, se prénomment Ava Gardner, Tippi Hedren, Cyd Charisse, entre autres.

Ava-Gardner
Ava Gardner
Tippi-Hedren
Tippi Hedren
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Cyd Charisse, avec Gene Kelly, dans Singing in the Rain, 1952

Vingt ans après son départ de la mode, maintes célébrités font toujours appel à ses créations. Beyoncé, Kim Kardashian, Cardi B, Sharon Stone, Nicole Kidman, autant d’incarnations divines qui ont choisi d’éterniser son audace. Parmi les hommes, les chanteurs David Bowie et George Michael compteront parmi ses plus précieux soutiens.

Rien ne prédestinait pourtant l’enfant Mugler à la notoriété mondiale. Elève solitaire au lycée à Strasbourg dans les années 60, passionné de danse, de théâtre et de dessin, il est obnubilé avant tout par la beauté gothique de la Cathédrale, qu’il aperçoit par la fenêtre en plein cours…

La Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, par Robert E. Evans

Dans un entretien avec Arthur Dreyfus chez Vogue, il raconte : “La seule chose que je retiens du lycée, c’est le toit de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, que je dévorais des yeux depuis la salle de classe. Une cathédrale gothique… Pas juste gothique : gothique À MORT! [Rires.] Bien plus exaltante que sa cousine parisienne… Tout est plus fin, plus périlleux. Les tourelles et les échauguettes flottent au ras du vide !

C’est interdit d’accès désormais, mais quand j’étais gamin, je passais ma vie à monter là-dedans. C’est si impressionnant. La statuaire de bronze verdi, avec ses dragons, ses vierges, son ange Gabriel, me fascinait aussi. Sans parler du chant des nonnes, qui s’élevait dans les hauteurs infinies du bâtiment : c’était un monde sublime. Alors évidemment, les pupitres du lycée ne tenaient pas longtemps tête à ce rêve.

D’autres œuvres le marqueront à jamais dans sa vie d’artiste. Notamment West Side Story, le film aux dix oscars, réalisé en 1961 par Jérôme Robbins et Robert Wise, et Metropolis, chef d’œuvre visionnaire réalisé par Fritz Lang en 1927. La bande annonce présentée ici contient avant l’heure, Thierry Mugler !

Son œuvre de couturier et photographe est actuellement visible à Paris au musée des Arts décoratifs, avec une exposition prolongée jusqu’au 24 avril 2022. “Couturissime” célèbre, à travers plus d’une centaine de créations réalisées de 1977 à 2014, la liberté absolue du créateur : “Loin d’une rétrospective classique, c’est une partie de la vie et toute l’énergie, dont à la fois Thierry Mugler et Manfred sont complémentaires, qui sont ici mises à l’honneur dans les galeries de la Mode Christine et Stephen A. Schwarzman.” Pour réserver, c’est par ici, réservations billetterie.

Pour aller plus loin

Il faut découvrir cet ouvrage aux images saisissantes, réalisées parfois au péril de sa vie, dans des décors spectaculaires. Thierry Mugler, Photographe, aux éditions Lamartinière, 1988.

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Thierry Mugler, photographe, 1988
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Thierry Mugler, aux éditions Assouline, 1997. Bien qu’épuisé, l’ouvrage peut encore être trouvé d’occasion sur la toile. Un témoignage précieux dans une belle édition luxueuse.

Thierry_Mugler_Assouline
Thierry Mugler, par François Baudot

Couturissime

Le catalogue de l’exposition Couturissime au Musée des Arts Décoratifs, est disponible, ici.

https://boutique.madparis.fr/fr/thierry-mugler-couturissime/thierry-mugler-couturissime-le-catalogue/3853.html
Catalogue de l’exposition Couturissime
CARACTÉRISTIQUES

Auteur : Thierry-Maxime Loriot
Bilingue Francais – Anglais

235 pages, 185 illustrations

Dimensions 23 x 30 cm, Edition MAD

Présentation du Musée des Arts décoratifs : “La rétrospective sur le couturier Thierry Mugler présentée au musée des Arts décoratifs réunit plus de 150 tenues réalisées entre 1977 et 2014, en plus de nombreux documents d’archives inédits et croquis. Elle dévoile les multiples univers de cette figure artistique incontournable – couturier visionnaire, metteur en scène, photographe et parfumeur – en revisitant notamment ses créations prêt-à-porter et haute couture.

Ce catalogue qui accompagne l’exposition en présente les principales sections et reproduit une sélection de photographies signées par les plus grands artistes qui ont entouré Thierry Mugler tout au long de sa carrière – Helmut Newton, Peter Knapp, Jacques-Henri Lartigue, David LaChapelle, Stéphane Sednaoui, Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goude, Pierre & Gilles, Patrice Stable, Inez & Vinoodh, pour n’en nommer que quelques-uns -, dont la plupart sont inédites. Elles sont complétées par des vues de la scénographie de l’exposition.”

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Portrait du créateur français, par Dominique Isserman

On risque sa vie pour la beauté. J’ai risqué ma vie. Mes images paraissent extrêmement sophistiquées, et très cadrées, quelquefois impossibles, mais elles sont complètement réelles. Il n’y a aucun montage. C’est un point de vue poétique sur la vie, les choses qui existent.

L’idée c’est que dans la vie, si on sait observer, la beauté est partout. Il suffit de la regarder, de la voir, et d’être capable de la voir.

Thierry Mugler

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