Il a fait de la nature sauvage sa muse, sa quête et son inspiration. Son talent de photographe est unanimement reconnu et plébiscité par les jeunes qui affluent par centaines vers ses stages. Alexandre Deschaumes, finaliste de la “Wildlife Photographer of the year” 2016, partage avec nous ses paradis de lumière, et donne quelques clés pour libérer tout notre potentiel créatif.
Vos images se reconnaissent entre mille, pour leur atmosphère puissante et unique. Entre les montagnes, vallées et forêts, quel est votre paysage préféré ?
Ce serait peut-être un paysage comme on peut en voir dans certaines peintures de Albert Bierstadt : Sauvage et grandiose, mais pas trop non plus, avec une sorte de foisonnement de vie et de détails complexes à scruter. Une grande et vieille forêt moussue avec de grands arbres, qui s’ouvre sur des clairières plus lumineuses, avec un torrent qui serpente.
J’ai une préférence pour le coté très verdoyant, humide et vivant, une forme de luxuriance végétale avec également des grandes montagnes où l’on pourrait imaginer des passages secrets, des détails insoupçonnés et de la vie sauvage… En fait j’aime ressentir le coté intimiste et réconfortant, tout en ayant un accès à une vision plus vaste sur des éléments dans lesquels projeter un imaginaire.
A vrai dire, le paysage que je préfère n’est pas toujours celui qui rendra le mieux en photographie. Car il y a une différence parfois assez grande entre la sensation d’apaisement, de bien-être dans un lieu et celui qu’on peut rechercher esthétiquement. Par exemple, j’ai fait des images qui me plaisent sur des contrées plus arides, vaste et vides, alors qu’en réalité je ne m’y sens pas très bien quand j’y suis. Pareil pour des sommets puissants dans des ambiances sombres et inquiétantes, j’ai pu en être fasciné, mais me sentir bien trop anxieux dans ce même voyage.
Votre nouveau site web montre en ouverture la brume qui s’élève parmi les rochers en toute majesté. Est-ce que cette image reflète votre monde intérieur, est-ce un “autoportrait” ? Ou est-ce l’image de l’absolu?
Ce n’est pas vraiment l’image de l’absolu, car ce terme englobe une forme de sensation extrêmement forte qui m’emmène loin dans une exigence que je n’arrive bien évidemment pas à atteindre. En général mes photographies n’arrivent que timidement à rejoindre cette notion abstraite.
C’est partiellement un autoportrait car on peut y sentir à la fois dans une certaine douceur cette quête de lumière et d’apaisement. Tout en étant forgé dans un contexte de grandes murailles sauvages qui portent en elles des éléments qui m’impressionnent et m’inquiètent. C’est une partie de moi avec laquelle je dois apprendre à vivre, et qui me mène la vie dure.
Votre passion pour la photographie vous a mené dans des contrées sauvages en France, mais aussi en Patagonie, Islande, et Argentine… Quel est l’endroit où vous vous êtes senti pleinement heureux ?
Pleinement heureux n’est pas vraiment le terme que je peux employer, car je ne sais pas totalement ce que ça veut dire. Le problème c’est que, oui, ces voyages m’ont apporté des éléments d’inspiration très très forts et donc des moments de plaisir marqué ou même de joie plus profonde, mais en général j’ai aussi un certain mal-être à me trouver loin de chez moi. Une forme d’insécurité intérieure avec de l’anxiété, qui ne me permet pas d’employer (du tout) le terme de pleinement heureux.
Vous avez réalisé de nombreuses expositions en France et à l’étranger, et des films aussi. Quel est votre support préféré ?
J’aime beaucoup le film associé à des tirages d’art en exposition. En général sur du papier mat et une caisse américaine comme encadrement. Le papier mat donne cet aspect de douceur, un peu velouté tout en étant précis et puissant dans les contrastes.
Dans l’un de vos films, La quête d’inspiration, vous faites une belle déclaration : “Transformer les émotions en une forme de beauté est devenu primordial”. Est-ce que vous avez le sentiment d’avoir réussi dans cette tâche, et en quoi l’appareil photo vous a aidé dans ce cheminement ?
Oui je pense que j’ai réussi cette tâche, même si ça ne peut toujours être qu’une réussite partielle, et non totale. L’appareil photo est le moyen que j’ai trouvé à ce moment-là, comme je peux aussi le trouver avec une guitare par exemple. En fait, le moyen importe peu.
Etes-vous plutôt Aube ou Crépuscule ?
Aube.
Transformer les émotions en une forme de beauté est devenu primordial.
Quel est d’après vous le plus beau paysage sur terre ?
Le plus beau paysage est celui dans lequel on se sent bien.
La mélancolie est reine dans votre œuvre, douce et tranquille. Que vous inspire-t-elle ?
La mélancolie dispose de différentes définitions à travers les âges et les interprétations. Elle peut à la fois désigner une forme de tristesse douce et presque « confortable » avec des affects vers des ambiances mystérieuses, moroses, sombres… Le tout observé depuis un espace mental disons suffisamment « sécurisé ». Mais aussi la mélancolie est, en psychiatrie, la définition d’une forme de dépression, au sens pathologique donc. Je peux dire que j’ai un rapport quelque peu ambivalent avec elle, car j’ai connu les deux.
Vos artistes préférés ? Photographes, peintres ou poètes, ceux vers qui vous aimez vous tourner?
Actuellement, j’ai du mal à trouver de nouvelles inspirations fortes, tellement nous sommes noyés d’images avec les réseaux. Et aussi car j’ai tendance à me diriger davantage vers des choses plus sobres ou plus abstraites, plus lumineuses et ici je manque encore de sources d’inspiration.
Je peux quand même citer quelques noms qui m’ont guidé ou me guident parfois encore… William Turner, Albert Bierstadt, Caspar Friedrich, Claude Monet, Alexandre Calame, Pestros Koublis, Vincent Munier, Ragnar Axelsson.
Avez-vous un projet particulier pour cette année ?
Je n’en ai pas forcément un en particulier, mais cette année, mon nouveau site internet doit encore évoluer, préparer des nouvelles expositions, de nouveaux stages photo (actuellement 3 stages en groupe sont prévus cette année, à voir sur mon site), un livre sur le massif du Haut Giffre en Haute Savoie, d’autres livres car j’ai beaucoup de choses à montrer, mais il faut juste que j’arrive à organiser tout ça. Également j’espère de nouveaux projets dans la vidéo, car j’évolue de ce coté là en parallèle, en espérant peut-être travailler comme chef opérateur sur des projets.
Le plus beau paysage est celui dans lequel on se sent bien.
Quel conseil donneriez-vous aux photographes qui rêvent de vivre de leur passion, mais qui hésitent ?
Ça me semble particulièrement difficile aujourd’hui, car extrêmement saturé de concurrence, très visible du fait des multiples réseaux sociaux. Surtout du fait que le matériel devient de plus en plus accessible en termes de technique et de rendus faciles et attrayants (en particulier avec les téléphones portables, évidemment).
D’autre part, c’est un milieu où le talent seul, ne suffit en général pas. Il y a tout un tas d’éléments annexes, surtout les relations sociales qui créent les opportunités et le marketing, qui peuvent très largement supplanter le talent lui-même, lorsqu’il s’agit d’être vu et d’être dans le business. C’est déroutant et dur mentalement de tenir sur la durée.
A partir du moment où cet appel créatif puissant résonne comme une nécessité, je ne sais pas s’ il nous reste totalement le choix. Je pense que l’impulsion première, celle du cœur, à priori, à sentir en soi le potentiel à faire son chemin dans l’artistique, doit rester le moteur principal. Malgré les troubles, il faut tenter de garder le cap, se souvenir que c’est là où est notre place.
Biographie
Alexandre Deschaumes est né le 22 octobre 1982 à Annemasse, en Haute-Savoie. Il est spécialisé depuis de nombreuses années dans la photographie « éthérée » de montagne et nature, un univers qu’il aime partager, à travers ses multiples stages destinés à tous les passionnés. Son site est une fenêtre vers un monde de splendeur : www.alexandredeschaumes.com.
Compte Instagram : alexandre_deschaumes, et aussi : https://www.facebook.com/alexandre.deschaumes.photographies
L’impulsion première, celle du cœur, à priori, à sentir en soi le potentiel à faire son chemin dans l’artistique, doit rester le moteur principal. Malgré les troubles, il faut tenter de garder le cap, se souvenir que c’est là où est notre place.
Alexandre Deschaumes