Presque deux ans après l’incendie qui a ravagé sa toiture, la Cathédrale Notre-Dame se porte mieux et les travaux de sécurisation et de consolidation vont bon train. Ceux-ci devraient durer au moins jusqu’à l’été 2021. Les travaux de restauration de la cathédrale – chantier très attendu du public, pourront alors commencer. Painton Cowen, historien britannique, spécialiste du patrimoine gothique, garde bon espoir pour la suite. Entretien avec un homme qui cultive l’optimisme.
Quand avez-vous découvert Notre-Dame pour la première fois ? J’ai découvert Notre-Dame en 1961, à l’âge de 19 ans. Je me rendais en Italie en voiture avec deux amis de Cambridge et nous nous sommes arrêtés à Paris. Même à cette époque je ne pouvais pas m’empêcher de photographier l’une de ses merveilleuses rosaces ! Les années se sont écoulées, et pour autant lorsque je me rends à Paris, Notre-Dame reste une étape essentielle pour moi.
Qu’avez-vous ressenti lorsque vous l’avez découverte et que représente-t-elle à vos yeux ? Mon affection pour Notre-Dame s’est agrandie au fil des années. Dans les années 1960 et 1970 la cathédrale était presque vide, surtout durant les mois d’hiver : c’était alors possible de se poser à l’intérieur, absorber les détails et vivre une expérience spirituelle très particulière, le réconfort entier de l’édifice. Il n’est pas nécessaire d’être religieux pour vivre ce type d’expérience. De nombreuses personnes d’horizons différents ont le sentiment étrange d’être “à la maison” lorsqu’elles se trouvent à Notre-Dame. Nous avons pu le constater lors de l’incendie en avril 2019, lorsque des Parisiens d’origines tout à fait diverses se sont exprimés à son sujet. Pour moi le plus émouvant sont les rosaces extraordinaires et l’orgue magnifique, lorsque la musique grimpe vers les voûtes…
Dans les années 1960 et 1970 la cathédrale était presque vide, surtout durant les mois d’hiver : c’était alors possible de se poser à l’intérieur, absorber les détails et vivre une expérience spirituelle très particulière, le réconfort entier de l’édifice.
Comment est né votre intérêt pour l’architecture médiévale et qu’est-ce qu’elle vous a apporté ? C’est à la Cathédrale de Chartres, en 1974, que j’ai été frappé par la magnificence de l’architecture gothique. J’étais en train d’observer la rosace située au nord de l’édifice, qui semblait être en rotation en raison de sa géométrie subtile, et je me suis retrouvé en pleurs. Je savais alors que les cathédrales gothiques et le vitrail en particulier joueraient un rôle important dans ma vie. Presque cinquante ans et quatre ouvrages plus tard, je continue de photographier les vitraux et d’autres aspects de l’architecture.
Combien de cathédrales et d’églises avez-vous photographié, et depuis combien d’années ? Je n’ai jamais vraiment compté, mais j’ai répertorié sur mon site internet près de 600 édifices dans lesquels j’ai réalisé des photos de vitraux et encore 200 où j’ai photographié des détails de l’architecture – les murs, les mosaïques, les statues, les sculptures, etc… J’ai démarré ce travail en 1974, et lorsque la photographie digitale est arrivée, cela a été beaucoup plus facile à réaliser et économique ! J’en ai donc profité. C’est une expérience fabuleuse qui me nourrit et qui dure toujours. Elle m’a aussi permis de découvrir des endroits, où je ne serais jamais allé !
Qu’est-ce qui rend l’architecture gothique unique en France, si l’on devait comparer avec les églises médiévales en Angleterre ? Ceci est un sujet d’expertise bien vaste, mais je dirais qu’il existe peu de différences dans l’impression d’ensemble : les styles romains et gothiques sont reconnaissables dans de nombreux pays européens. Les bâtisseurs travaillaient souvent dans des endroits différents d’Europe et les Normands ont importé leur mode architecturale en Angleterre, ainsi qu’en Italie du sud et en Sicile. Les Anglais ont apprécié et adopté plus facilement le style gothique, ce qu’ils appellent le “Perpendiculaire” car cela permettait davantage de lumière à l’intérieur de l’édifice, chose nécessaire en raison de l’emplacement géographique de l’Angleterre.
Comment imaginez-vous Notre-Dame à l’avenir ? Sera-t-elle aussi belle qu’avant, après les travaux ? Je suis certain que Notre-Dame sera aussi belle qu’avant. Tel que je l’ai compris, la flèche sera reconstruite, avec son horloge russe, ajoutée par Viollet-le-Duc au 19ème siècle. Mais nous devons nous rappeler que la cathédrale a vécu de nombreuses transformations depuis le XIIème siècle. Les premières rosaces avaient été détruites et remplacées afin d’avoir les exemples encore plus magnifiques que nous avons aujourd’hui – ceci sans doute en raison des rosaces spectaculaires construites à Chartres et à Saint Denis dans l’intérim. Notre-Dame n’allait pas se laisser faire ! Une légende existe : Louis IX, qui est devenu plus tard Saint Louis, aurait reporté son départ aux Croisades en 1270, car il souhaitait voir la rosace sud de Notre-Dame finalisée.
Pouvez-vous nous dire quelques mots concernant votre site internet ? Le projet a démarré il y a 12 ans et il compte aujourd’hui 40 000 images de vitrail ancien (avant 1800) et 25 000 autres images de cathédrales et leurs détails. Le site contient une image de chaque vitrail contenant du verre ancien dans chaque cathédrale, dans chaque grande église française ou anglaise. Pour la cathédrale de Chartres il y a plus de 1500 images ! Le site est utilisé par des universités dans le monde à des fins pédagogiques. Malheureusement le travail s’est interrompu en raison du Covid-19 et un manque de financement. Les mécènes sont les bienvenus !
Biographie
Painton Cowen est né à Londres le 6 septembre 1942. Il est l’auteur de quatre ouvrages, dont le célèbre Rosaces, publié à l’Imprimerie Nationale, l’aboutissement de cinquante ans de recherches et de photographies. Aujourd’hui âgé de 78 ans, l’auteur continue de voyager et de photographier les édifices gothiques dans toute la France. Site internet et contact : www.therosewindow.com